Dans le cadre des brèves juridiques, Maître Pierre-Félix Kandolo a partagé sa réflexion dans le numéro 60 du 9 septembre 2024. Nous vous présentons ici son analyse portant sur la violation des immunités diplomatiques, l’arrestation des présumés auteurs, et la suspension des autorités judiciaires et policières : ce que dit le droit congolais.
Les faits : À suivre la version officielle de l’affaire, l’on note qu’en date du samedi 24 août 2024, des individus, parmi lesquels des policiers et agents du parquet congolais, se sont introduits sur un site de la représentation diplomatique française à Kinshasa, avec pour mission de « faire déguerpir un diplomate français« . Au cours de l’exécution de leur mission, un diplomate français, Conseiller de coopération et d’action culturelle, a été « séquestré pendant trois heures, et frappé« , et deux autres diplomates ont été « bousculés, mais sans blessure« . Selon la coutume en cette matière, le Chef de l’État congolais, qui a reçu l’Ambassadeur de France en RDC, Bruno Aubert, a regretté l’incident, une façon pour lui de présenter des excuses du Gouvernement congolais auprès du Gouvernement français. Du côté des présumés auteurs de cette forfaiture, certains ont été mis aux arrêts, alors que d’autres seraient en fuite. Le Procureur général, le Commandant de la Légion nationale d’intervention et le Commissaire provincial de la PNC ont été suspendus respectivement par le ministre de la Justice et Garde des sceaux et par celui de l’intérieur.
Le droit : Par ces actes, il n’y a aucun débat sur la violation de la Convention de Vienne du 18 avril 1961, entrée en vigueur le 24 avril 1964, sur les relations diplomatiques, à laquelle la RDC a adhéré, plus spécialement en ses articles 22, 24, 27, 29 à 31. Plusieurs autres dispositions demandent aux États accréditaires d’accorder une large protection aux membres des missions diplomatiques accrédités auprès de leurs Gouvernements.
Quod ad nos pertinet, l’article 29 de cette Convention précise : « La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’État accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa liberté et sa dignité ».
Incorporée dans le système pénal congolais, la protection de ces immunités a été traduite par l’Ordonnance loi n°301 du 16 décembre 1963 sur la répression des offenses envers les chefs d’État étrangers et outrages dirigés contre les agents diplomatiques étrangers. Deux articles sur trois contenus dans ce texte disposent que : « L’offense commise publiquement envers les chefs d’État ou chefs de gouvernements étrangers est punie de trois mois à deux ans de SP et d’une amende (…), ou d’une de ces peines seulement. L’outrage commis publiquement et dirigé, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, contre les agents diplomatiques accrédités près le gouvernement congolais, est puni de quinze jours à six mois de SP et d’une amende (…), ou d’une de ces peines seulement« . L’outrage est compris ici comme tout tort, tout dommage ou toute atteinte physique causé(e) aux êtres, portant atteinte à sa dignité, …
L’interprétation de ces dispositions sous-entend qu’en dehors de la protection générale accordée à toute personne se trouvant sur le territoire congolais, les personnes reconnues par la Convention de Vienne bénéficient d’une protection spéciale et la violation de leurs immunités est réprimée tant par le Code pénal que par cette ordonnance-loi spécifique. C’est pourquoi, pour rappeler la nature et le respect dû aux bénéficiaires de ces immunités et arrêter les abus constatés, le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature a, en date du 11 juillet 2023, pris une Circulaire n°04/CSM/P/PM/2023 portant les instructions générales relatives au respect des accords internationaux sur les immunités diplomatiques des membres et locaux des représentations des États étrangers et des organisations internationales pour leur stricte application par les magistrats de tous les ressorts de la RDC. Cette circulaire a même indiqué les personnes bénéficiant ces immunités pénales, civiles, douanières et fiscales ainsi que l’énumération de quelques institutions dans lesquelles elles évoluent. À ce jour donc, le droit congolais est protecteur des droits dont bénéficient les protégés de la Convention de Vienne.
Pierre Félix Kandolo On’ufuku wa Kandolo