La portabilité des numéros de téléphone
Par Brozeck KANDOLO
Faits : Le téléphone portable, cet appendice moderne dont nous ne pouvons-nous passer ! Mais voilà, tout détenteur de ce petit bijou technologique se retrouve souvent face à un dilemme cornélien, changer de numéro lors du passage à un nouvel opérateur téléphonique. Les raisons de cette décision sont aussi variées que les modèles de téléphones disponibles sur le marché. Certains, désespérés après avoir égaré leur précieux appareil, souhaitent enterrer le passé. D’autres, plus pragmatiques, aspirent à une meilleure qualité de service, à des tarifs plus compétitifs, ou tout simplement à des promotions alléchantes.
Cependant, ce passage à l’acte se heurte à une réalité peu reluisante, la portabilité des numéros. Dans bien des cas, changer d’opérateur signifie sacrifier son numéro, l’on peut donc se demander si la pratique des sociétés de télécommunications en RDC, qui semblent s’accrocher à cette antique habitude de lier numéro de téléphone et opérateur, est-elle vraiment réglementaire ?
Droit :
Un numéro de téléphone portable se compose de deux parties. La première, appelée bloc de numéro (ou préfixe), est un numéro de trois chiffres spécifique à chaque opérateur de télécommunications et est incessible (article 75 de la loi sur les télécommunications et les TIC de 2020). La deuxième partie est constituée du numéro fixe (ou mobile), qui comprend sept chiffres. Ce numéro est celui qui peut faire l’objet de portabilité vers un autre opérateur (article 76 de la loi sur les télécommunications).
En RDC, la portabilité du numéro de téléphone est définie comme « le droit de tout abonné de changer d’opérateur de téléphonie tout en conservant son numéro de téléphone » (article 4 de la loi sur les télécommunications). Cela signifie que l’on a le droit de garder son numéro, même lorsqu’on change d’opérateur, et cette opération est gratuite (article 76 de la loi sur les télécommunications) en vertu du principe de neutralité technologique.
Au-delà de ces dispositions issues de la loi sur les télécommunications et les TIC de 2020, ce droit peut également s’exercer sur la base du droit à la portabilité garanti par le code du numérique (article 211), qui permet à toute personne physique de demander le transfert de ses données personnelles vers un autre service, y compris un concurrent. Ainsi, dans l’exercice de ce droit, un abonné peut demander à son opérateur de transférer son numéro de téléphone vers un autre. Cette approche vise à protéger les droits des consommateurs contre les abus de certaines sociétés, tout en créant un marché concurrentiel. Les consommateurs peuvent ainsi choisir librement leur opérateur sans craindre de perdre leur numéro de téléphone.
Cependant, bien que ce droit soit récent, il soulève des problématiques pratiques. En effet, de nombreuses sociétés de télécommunications ont opéré pendant des années sans cette législation, ce qui signifie qu’il est possible que certains numéros de téléphone (les sept derniers chiffres) soient attribués à plusieurs opérateurs. Ainsi, une portabilité vers un opérateur qui détient déjà ce numéro pourrait s’avérer impossible, risquant d’empiéter sur le droit subjectif d’un autre utilisateur. Cela souligne la nécessité d’une collaboration entre les sociétés de télécommunications.
Les conséquences du non-respect de ce droit à la portabilité peuvent être lourdes pour les sociétés de télécommunications. Le code du numérique prévoit une sanction pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires annuel hors taxe de l’exercice écoulé (article 257). Cette sanction peut être prise par l’Autorité de Protection des Données. Toutefois, il convient de noter que cette autorité n’a pas encore été créée. En attendant, depuis le 17 août 2024, les missions de cette autorité sont exercées par l’Autorité de Régulation des Postes, Télécommunications et Technologies de l’Information et de la Communication (ARPTIC), comme l’indique l’arrêté ministériel n°cab/min/pt&n/akim/kl/kbs/051/2024 du 17/08/2024, portant harmonisation des modalités de mise en œuvre des régimes du code du numérique et de la loi de 2020 relative aux télécommunications et aux technologies de l’information et de la communication en RDC..
Ce texte a été publié dans le cadre des brèves juridiques, parues dans le numéro 88 du 7 octobre 2024.