Par Maître Neville OTSHUDI NGONGO
Dans sa récente circulaire N°001 et après plusieurs rumeurs, Augustin Kabuya Tshilumba, le Secrétaire General du parti politique UDPS (parti au pouvoir) invite les fédéraux du parti, chacun dans son ressort à mobiliser et à conscientiser la base afin d’imprégner aux militants le bien-fondé de la mise en œuvre du processus de la révision de la Constitution et selon lui, c’est en souvenance des propos de leur père fondateur, Dr Etienne Tshisekedi Wa Mulumba (d’heureuse mémoire).
Après cette fameuse circulaire, les vives tensions politiques montent incessamment de part et d’autre. Pour les uns, ils clament que le moment n’est pas propice de réviser la Constitution qui n’a rien avoir avec la vie sociale (les opposants) et pour les autres, il faut réviser la Constitution car elle démontre ses insuffisances et ses limites aux réalités du peuple et du bon fonctionnement des institutions (camp UDPS).
Toutefois, dans cette présente réflexion, purement scientifique et juridique, ces propos des politiques des opposants et des Tshisekedistes ne tirent guère notre attention, ils constituent plutôt son fondement et sa source.
En effet, en droit Constitutionnel, la révision de la Constitution est un processus par lequel une Constitution est ajustée en fonction des évolutions politiques, sociales, économiques ou juridiques d’un pays.
Il ressort pertinemment de cette définition une question fondamentale « Peut-on réviser l’actuelle Constitution de la RDC ? », Outre la conclusion,Cette question fondamentale sera étudiée selon les points suivants :
- La procédure de la révision de la Constitution de la RDC (§1) ;
- Les limites de la révision de la Constitution de la RDC (§2) ;
§.1. LA PROCEDURE DE LA REVISION DE LA CONSTITUTION DE LA RDC
- L’initiative de la révision de la Constitution
L’initiative de la révision de la Constitution est réglée à l’article 218 alinéa premier de la Constitution. Elle appartient concurremment au Président de la République, au Gouvernement après délibération en Conseil des ministres, à chacune des chambres du parlement à l’initiative de la moitié de ses membres, à une fraction du peuple Congolais constituée de 100 000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’un des deux chambres. Il sied de noter que l’initiative de la révision de la Constitution porte plusieurs dénominations selon ses auteurs ou les initiateurs. Il s’agit d’une pétition si elle émane d’une portion du peuple congolais, d’un projet si elle est issue de l’exécutif et d’une proposition si elle provient d’une chambre du Parlement.
a.1. Les motifs de la révision Constitutionnels :
La Constitution étant une loi suprême et sacrée, sa révision doit être fondée sur des motifs solides et objectifs. Cette exigence découle de la nature même de la Constitution qui se veut un texte stable et rigide, excluant tout arbitraire dans la procédure de sa révision.
Ainsi, voici quelques motifs que doivent justifier la révision d’une Constitution sont :
- Lorsque le juge constitutionnel a déclaré qu’un traité ou un accord international, à ratifier ou à approuver comporte une clause contraire à la Constitution [1];
- Lorsque les normes transitoires concernant la continuité des institutions sont devenus caduques et du moment que les nouvelles institutions sont mise en place [2];
- Lorsqu’il existe une nécessité de combler des lacunes par rapport à l’évolution de la société.
- La procédure d’approbation de la révision de la Constitution
Après l’examen du bien-fondé de l’initiative de la révision de la Constitution par le parlement à la majorité absolue de chaque chambre, deux voies sont possibles pour l’approbation de la révision de la Constitution, d’une part la voie référendaire et d’autre part, la voie législative ou parlementaire.
b.1. L’approbation de la révision de la Constitution par voie référendaire
La voie référendaire est prévue par l’alinéa 3 de l’article 218 de la Constitution suivant lequel la révision n’est définitive que si l’initiative est approuvée par referendum sur convocation du président de la République.
b.2. L’approbation de la révision par voie législative ou parlementaire
D’après l’article 218, alinéa 4, la révision de la Constitution par voie législative ou parlementaire est approuvée par le congrès à la majorité des trois cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale et le Senat, et non les membres présents. Il sied de signaler que cette disposition ne précise pas l’autorité qui doit convoquer le Congrès.
§.2. LES LIMITES DE LA REVISION DE LA CONSTITUTION DE LA RDC
Certes, la Constitution se permet de se réviser, elle prévoit également la procédure de sa révision, il sied de souligner qu’elle prévoit également les limites de la révision.
Il existe deux sortes des limites au pouvoir de réviser la Constitution, que sont : les limites conjoncturelles(a) et les limites matérielles(b).
- Les limites Conjoncturelles
Les limites conjoncturelles sont les périodes, les moments qu’on ne peut pas procéder à la révision de la Constitution. Elles sont prévues par l’Art.219. D’après cette disposition, certaines circonstances empêchent toute révision de la Constitution. Ces circonstances sont : l’état de guerre, l’état d’urgence, l’état de siège (tel que décrété au Nord-Kivu), de la période de l’intérim à la présidence de la République et lorsque les deux chambres du Parlement se trouvent empêchées de se réunir librement.
- Les limites matérielles
Les limites matérielles sont les dispositions qui ne peuvent pas faire l’objet d’une révision, il s’agit des dispositions intangibles voulues par la Constitution elle-même. Selon l’Article 220, cette Constitution énonce sept(7) interdictions en cas d’une révision, que sont : « La forme républicaine de l’Etat, du principe du suffrage universel, de la forme représentative du gouvernement, du nombre et de la durée des mandats du Président de la République, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, du pluralisme politique et syndical.
Autrement, notre Constitution a érigé des limites matérielles à sa révision, optant par ce fait pour une révision partielle et excluant toute révision totale.
CONCLUSION
Faut-il conclure ?
Dans un état de Droit, tout le monde, y compris le souverain primaire, est soumis au respect au droit. Juridiquement, réviser une Constitution n’est pas une mauvaise chose et cela doit être motivé par l’intérêt général qui a pour objectif de renforcer les institutions de l’Etat, de garantir une bonne gouvernance de la République, de garantir une gestion saine et orthodoxe de toute chose de la République, d’assurer une meilleure protection des droits humains et d’assurer un équilibre entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire , mais en respectant la procédure constitutionnelle et les limites de la révision d’une Constitution. Ainsi donc, l’époque du prince au-dessus de la loi et ne légifèrent que pour ses intérêts et pour consolider des régimes autoritaires ou prolonger les mandats des dirigeants en place est révolue.
[1] Article 2016 de la Constitution du 18 Février 2006
[2] Art 222 idem