Par Maître Pierre Félix Kandolo, article publié dans les Cahiers de la justice, 2025/2, p.283-293.
La justice qui est faite aux lendemains des conflits civils suscite des inquiétudes ou des enthousiasmes. Les uns voient dans cette justice dite transitionnelle, une justice politique. Ils plaident en faveur du retour d’un tiers désintéressé susceptible d’équilibrer le processus judiciaire, pour protéger l’accusé ou la victime. Les autres, nombreux aujourd’hui, y voient des efforts pour faire une place centrale aux victimes, en promouvant la réparation et la reconstruction des personnes et des sociétés. Les conflits civils bousculent, il est vrai, les termes habituels de la justice : les crimes ne peuvent parfois être qualifiés comme tels, les criminels politiques peuvent rarement être poursuivis, les victimes apparaissent à beaucoup suspectes. Mais les institutions créées répondent rarement aux attentes ou aux craintes exprimées d’un « pas de deux » mené par les victimes – au rythme de leurs émotions. Elles font en effet peser sur ces dernières l’obligation d’une préservation de l’ordre social et politique juste instauré ; les victimes peuvent parler mais ne peuvent pas dire tout ce qu’elles voudraient dire. Elles refusent en outre parfois d’entrer dans une justice du dialogue avec le criminel et de l’émotion. Le pas de deux fait une place aux tiers.
